LA UNE

Monde • Le retour en force de la géo-économie

Dans un contexte mondial marqué par les tensions commerciales et les rivalités stratégiques, la géo-économie connaît un spectaculaire regain d’actualité. Ce concept, défini par Edward Luttwak en 1990 comme l’art d’utiliser les leviers économiques à des fins de puissance politique, s’impose à nouveau dans les discours et les stratégies d’États comme la Chine ou les États-Unis.

L’élection de Donald Trump a marqué un tournant avec la mise en œuvre d’un nationalisme économique assumé : hausses de droits de douane, bras de fer sur les semi-conducteurs, pression sur le Panama ou le Groenland. Mais pour certains analystes, le véritable retour de la géo-économie vient de Pékin : le capitalisme d’État chinois mobilise l’ensemble des outils économiques – banques, entreprises publiques, diplomatie commerciale – dans une logique d’affirmation stratégique, comme en témoignent les “nouvelles routes de la soie”.

Pourtant, ce renouveau ne s’accompagne pas d’une reconnaissance académique. La géo-économie demeure un angle mort entre géopolitique, économie et sciences politiques. Peu enseignée, elle reste portée par des think tanks, quelques universitaires comme Matteo Maggiori à Stanford, et des revues spécialisées à l’image de Géoéconomie, fondée en France par Pascal Lorot.

À l’heure où les sanctions, les guerres technologiques et les chaînes de valeur mondiales deviennent des armes, la géo-économie redéfinit les rapports de force. Non pas en rupture avec le néolibéralisme, mais comme son prolongement stratégique : dans un monde interdépendant, les États apprennent à faire du commerce… une forme de guerre. Le Monde

EN BREF

🇷🇺 Russie - 🇺🇦 Ukraine - 🇺🇸 États-Unis • Record de drones russes, colère de Trump et nouvelles armes pour Kiev

La Russie a lancé dans la nuit du 8 au 9 juillet sa plus grande attaque de drones et missiles contre l’Ukraine depuis le début de la guerre (ça devient régulier, on bat record sur record ces derniers jours). Selon l’armée de l’air ukrainienne, 728 drones et 13 missiles ont été tirés, dont 711 drones et 7 missiles interceptés. 8 civils ont été blessés à Kiev, Soumy, Zaporijjia et Kherson. L’objectif principal de l’attaque était la région de Volhynie, loin du front, illustrant une volonté de désorganiser l’arrière ukrainien.

Cette offensive massive intervient au moment où Trump a publiquement fustigé Vladimir Poutine, accusé de “dire beaucoup de conneries” sur l’Ukraine. Le président américain, qui avait gelé une partie de l’aide militaire, a annoncé un nouvel envoi d’armes à Kiev, qualifié de “défensives”. Il envisage également un soutien à un projet de loi imposant des sanctions sévères contre Moscou et ses partenaires commerciaux, notamment des droits de douane de 500 % sur les importations russes.

Pour Volodymyr Zelensky, cette attaque démontre le refus persistant de Moscou de négocier un cessez-le-feu. Le président ukrainien appelle à des sanctions immédiates, ciblant notamment le secteur pétrolier russe, afin de freiner la machine de guerre du Kremlin. franceinfo

🇮🇱 Israël - 🇱🇧 Liban • Nouvelles incursions israéliennes au Liban malgré la trêve

L’armée israélienne a lancé de nouvelles opérations terrestres ciblées dans le sud du Liban, une première depuis des mois, alors que la trêve conclue en novembre avec le Hezbollah reste officiellement en vigueur. Tsahal affirme avoir détruit des dépôts d’armes et des positions de tir de la milice chiite, accusée de violer l’accord en maintenant des forces armées dans la zone frontalière.

Depuis la trêve, Israël n’a jamais cessé ses frappes aériennes, tuant environ 250 personnes selon le ministère libanais de la Santé. Le Hezbollah, affaibli par la guerre récente, n’a pas encore riposté. Beyrouth, qui a démantelé des centaines de sites militaires, peine à avancer sur le désarmement total du Hezbollah — condition clé de la paix selon Israël.

La reprise des incursions survient peu après la visite de l’émissaire américain Thomas Barrack Jr., porteur d’un plan sur le désarmement du Hezbollah. Ce dernier, tout en saluant la réponse de Beyrouth, estime que la trêve actuelle est un “échec total”. The New York Times

🇨🇳 Chine - 🇫🇷 France • Pékin mène une campagne de désinformation contre le Rafale

Je vous en parlais dans une édition précédente : la Chine mène une guerre informationnelle pour discréditer l’avion de chasse Rafale français et promouvoir son propre chasseur J-10C. Selon les renseignements français, Pékin aurait profité de l’escalade militaire entre l’Inde et le Pakistan pour alimenter la confusion sur les pertes réelles subies par New Delhi. Une campagne en ligne, orchestrée via plus de 1 000 comptes récents sur les réseaux sociaux, a diffusé de fausses images et vidéos, vantant la supériorité du matériel chinois.

Parallèlement, les ambassades chinoises ont relayé un discours uniformisé visant à dénigrer Dassault et à convaincre des pays comme l’Indonésie de reconsidérer leurs contrats. Si le Rafale reste perçu comme technologiquement supérieur, le J-10C séduit par son prix plus abordable. Paris dénonce une offensive commerciale agressive, mais affirme que cette opération n’a pas entamé les ventes du Rafale. Le Parisien

🇮🇳 Inde • Le recensement de 2027 attise déjà les tensions politiques

Reporté depuis 2021, le recensement démographique en Inde débutera le 1er mars 2027. Exercice crucial pour adapter les politiques publiques, il s’annonce explosif : il inclura des données sur les castes, une exigence de l’opposition à laquelle le pouvoir nationaliste hindou a longtemps résisté.

Plus de 3 millions d’agents utiliseront pour la première fois une application mobile, tandis qu’un portail en ligne permettra aux citoyens de se pré-enregistrer. Mais le passage au numérique inquiète : fracture digitale et fiabilité des données sont en cause.

Ce recensement pourrait nourrir le controversé Registre national des citoyens, perçu par certains comme un outil d’exclusion des musulmans. Il pourrait aussi déclencher un redécoupage électoral qui affaiblirait les États du sud, moins peuplés, au profit du nord. RFI

🇭🇺 Hongrie • Bruxelles accuse Orban de bloquer tout progrès sur l’État de droit

La Commission européenne dénonce une stagnation totale de la Hongrie en matière d’État de droit. Dans son rapport annuel publié hier, Bruxelles affirme que le gouvernement de Viktor Orban n’a réalisé “aucun progrès” sur des points clés comme l’indépendance de la justice, la liberté des médias ou la lutte contre la corruption.

Le document pointe l’absence de réformes pour améliorer la transparence dans les tribunaux de première instance ou lever les obstacles visant les ONG. L’UE demande aussi des résultats concrets dans les affaires de corruption de haut niveau. Le rapport recommande par ailleurs de renforcer l’indépendance des médias publics, tout en rappelant que 18 milliards d’euros de fonds européens restent gelés en raison de ces dérives.

Accusé d’autoritarisme croissant, le régime hongrois a récemment interdit la marche des fiertés à Budapest, provoquant une mobilisation massive de 200 000 personnes. Face aux critiques, le gouvernement a dénoncé une ingérence de Bruxelles et réaffirmé son refus de “laisser l’UE dicter l’avenir de la Hongrie”. franceinfo