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Qu’attendre de la rencontre Trump-Zelensky à Washington ?

Une rencontre exceptionnelle se tient aujourd’hui à la Maison Blanche : Donald Trump reçoit Volodymyr Zelensky, entouré d’Ursula von der Leyen, Mark Rutte (secrétaire général de l’OTAN), Emmanuel Macron, Keir Starmer, Friedrich Merz, Giorgia Meloni et Alexander Stubb (président de la Finlande). L’objectif affiché : poser les bases d’un accord de paix entre l’Ukraine et la Russie, après le sommet de vendredi entre Trump et Vladimir Poutine.

Lors de cette rencontre avec le président russe, Trump a surpris ses alliés en abandonnant son exigence d’un cessez-le-feu. Il a repris l’argument de Moscou : la guerre peut continuer tant qu’un accord n’est pas trouvé, Poutine réclamant en échange l’abandon par Kiev de 3 500 km² fortifiés du Donbass. Trump a ensuite affirmé que Zelensky pouvait « mettre fin à la guerre presque immédiatement » s’il acceptait ces conditions.

Cette position inquiète les Européens et l’Ukraine. Zelensky a toujours insisté : pas de négociations sans réduction des hostilités, ni reconnaissance des annexions russes. Pour lui, céder du territoire serait politiquement intenable, surtout après l’annexion de la Crimée en 2014 et les cinq régions envahies depuis 2022. Kiev réclame au contraire un renforcement des sanctions et des garanties de sécurité solides, à l’image de l’article 5 de l’OTAN, mais fournies directement par Washington et les capitales européennes.

Trump, lui, envisage un dispositif inédit : une protection militaire américaine et européenne hors cadre de l’Alliance atlantique. Son émissaire Steve Witkoff parle de « garanties robustes » encore floues, mais censées rassurer Kiev. Reste à voir si elles convaincront Zelensky, qui réclame aussi un sommet trilatéral avec Poutine et Trump. Moscou, pour l’instant, temporise, misant sur les divisions occidentales.

Cette réunion pourrait marquer un tournant : soit ouvrir la voie à des discussions élargies incluant la Russie, soit confirmer l’impasse, Kiev refusant tout accord qui légitimerait l’occupation militaire de son territoire. L’Europe tente d’afficher son unité, consciente que l’issue dépend largement de la ligne choisie par Donald Trump.

Opinion • Le contingent diplomatique massif des européens interroge. Jamais dans l’histoire récente autant de dirigeants ne se sont déplacés ensemble à Washington.

J’y vois deux interprétations possibles :

- Les chefs d’état et de gouvernement y vont pour soutenir Zelensky et le coacher, pour éviter la catastrophe du bureau ovale de février dernier, où Zelensky s’est fait publiquement humilier et a mal manoeuvré Trump et Vance. Les différentes réunions seraient l’occasion de réaffirmer de visu les positions européennes, en vertu du fonctionnement trumpien, « le dernier qui a parlé a raison ».

- Un scénario plus inquiétant, avec une capitulation totale de la Maison Blanche concernant les frontières européennes. Les bribes d’information qui ont filtré de la réunion Trump-Poutine seraient dans cette hypothèse très incomplètes et serviraient de cache-sexe à un abandon pur et simple de l’Ukraine et de l’Europe, avec en arrière-plan un découpage des zones d’influence entre puissances. L’objectif de Trump serait de reprendre le business avec la Russie, pour tenter de l’écarter de son alliance avec Pékin (bon courage).

La seconde hypothèse est à court terme la plus problématique pour les européens, réduits à voir une partie de Risk se jouer à leurs frontières en tant que spectateurs.

Dans tous les cas, il va falloir se réveiller : l’autonomie stratégique, politique et militaire de l’Europe devient un impératif, pour ne pas subir les décisions des autres. Le temps de la puissance commerciale et des grandes valeurs proclamées (sans toujours les respecter) comme éléments premiers d’influence est révolu : c’est le hard power qui fait son retour.

ZOOM

Vendredi, Poutine a imposé son ascendant face à un Trump déboussolé à Anchorage

Le sommet d’Anchorage entre Vladimir Poutine et Donald Trump a tourné à l’avantage du président russe. Reçu avec tapis rouge et honneurs militaires en Alaska, malgré un mandat d’arrêt de la Cour pénale internationale, le maître du Kremlin a imposé son tempo. Loin d’arracher le cessez-le-feu promis, Trump s’est retrouvé désarmé face à un dirigeant déterminé à consolider ses conquêtes en Ukraine et à obtenir des concessions stratégiques majeures.

Le président américain, qui avait juré de régler la guerre « en 24 heures », a vu ses ambitions se fracasser contre l’intransigeance russe. Poutine, fidèle à sa ligne, n’a jamais eu l’intention de négocier la paix mais de faire avaliser le contrôle des régions occupées et d’imposer un droit de regard sur l’avenir de l’Ukraine. Trump, oscillant entre fascination et maladresse, a semblé céder à la logique russe en acceptant l’idée de négociations directes sans cessez-le-feu préalable, ouvrant la porte à une capitulation ukrainienne de facto.

Ce face-à-face a suscité un malaise profond à Washington comme en Europe. L’accueil fastueux réservé à Poutine, présenté comme un « retour dans le jeu international », a choqué. Les critiques soulignent l’humiliation d’une diplomatie américaine perçue comme erratique, incapable de fixer des lignes rouges. Les alliés européens redoutent désormais que Trump ne finisse par imposer à Volodymyr Zelensky un accord territorial défavorable, sous menace de couper l’aide militaire et financière.

Pour l’heure, les pressions européennes visent à contenir l’Américain et à préserver au minimum la souveraineté ukrainienne sur une partie de son territoire, quitte à geler durablement le front. Mais le risque d’un abandon partiel de Kiev plane. Ce sommet révèle avant tout le contraste entre un Poutine stratège, froid, méthodique, et un Trump impulsif, amateur, et prisonnier de sa vision transactionnelle des relations internationales. Le Figaro

Les Européens cherchent à sécuriser Kiev face aux incertitudes américaines

Les Européens veulent placer les « garanties de sécurité » à Kiev au cœur des négociations de paix avec Moscou. Hier, Emmanuel Macron, Volodymyr Zelensky et plusieurs dirigeants européens ont réaffirmé cette priorité lors d’une visioconférence, à la veille d’un déplacement à Washington pour rencontrer Donald Trump. Objectif : obtenir un engagement clair des États-Unis, jugés indispensables malgré les doutes qui entourent leur position.

Garantir la sécurité de l’Ukraine signifie d’abord empêcher la Russie de reprendre son offensive après un cessez-le-feu. Les Européens insistent sur le droit de Kiev à s’armer et à choisir ses alliances, rejetant l’idée d’une neutralité imposée par Vladimir Poutine. Parmi les options discutées figure l’envoi d’une « force de réassurance » de quelques milliers de soldats, destinée à des missions logistiques ou de formation, loin des lignes de front. Une protection du ciel et des mers est aussi envisagée. Pour les experts, seule une présence militaire crédible, adossée à des engagements formalisés, pourrait dissuader Moscou.

Cette exigence s’explique par le précédent du mémorandum de Budapest de 1994 : l’Ukraine avait renoncé à son arsenal nucléaire en échange de la reconnaissance de sa souveraineté par la Russie, les États-Unis et le Royaume-Uni. Un accord bafoué lors des annexions russes. Aujourd’hui, une « coalition des volontaires » – une trentaine d’États emmenés par Paris et Londres – promet son soutien, mais attend un signal ferme de Washington. La France et le Royaume-Uni sont prêts à envoyer des troupes, mais beaucoup de partenaires conditionnent leur engagement à celui des Américains. Et c’est là où les discussions achoppent.

Donald Trump souffle le chaud et le froid. À l’issue de son sommet avec Vladimir Poutine à Anchorage, il a évoqué des « garanties solides », proches de l’article 5 de l’OTAN mais sans adhésion de Kiev à l’Alliance. Volodymyr Zelensky s’est saisi de cette promesse, parlant d’une décision « historique ». Pourtant, Washington répète qu’aucun soldat américain n’ira en Ukraine. L’aide pourrait se limiter à du renseignement ou au renforcement des défenses antiaériennes. Sur Truth Social, Trump a laissé entendre que la paix passerait par un abandon des revendications ukrainiennes sur la Crimée et par le renoncement à l’OTAN, un signal contradictoire qui alimente la méfiance des Européens. On est face à deux discours : celui de Trump, prudent, et celui de ses ministres et collaborateurs, plus allants sur les garanties de sécurité américaines.

Dans ce jeu d’équilibre, les capitales européennes tentent de concilier leur volonté de garantir la sécurité de Kiev et leur dépendance au parapluie américain.

Zelensky dénonce des frappes “cyniques” avant ses discussions à Washington

Volodymyr Zelensky a accusé ce matin la Russie de chercher à « humilier » les efforts diplomatiques par de nouvelles attaques meurtrières, quelques heures avant sa rencontre avec Donald Trump et plusieurs dirigeants européens à Washington. Selon le président ukrainien, des frappes russes sur quatre villes, dont Kharkiv et Zaporijjia, ont tué au moins dix civils, parmi eux une fillette. « Moscou doit entendre le mot stop », a-t-il martelé, exigeant la fin de la guerre et de véritables garanties de sécurité.

À Kiev, la perspective d’un compromis imposé inquiète. Des responsables rappellent que la Constitution interdit toute cession de territoire. Un « plan de paix » russe conduirait donc à une impasse, risquant de fournir à Trump un prétexte pour retirer son soutien. « L’Ukraine et ses alliés doivent préparer leur propre stratégie pour défendre la paix en Europe », avertit l’ONG Hope for Ukraine.

Zelensky compte sur une démonstration d’unité transatlantique pour contenir Vladimir Poutine, après le sommet entre ce dernier et Trump en Alaska, perçu comme une victoire pour Moscou. Mais l’ombre d’un accord défavorable plane : Moscou exige non seulement des garanties de sécurité pour Kiev, mais aussi pour elle-même.

EN BREF

🇺🇸 États-Unis • L’administration Trump rejette les accusations de complaisance envers Poutine après le sommet d’Anchorage, où Donald Trump et Vladimir Poutine ont affiché une volonté de paix. Face aux critiques démocrates dénonçant un président « aux ordres des Russes », le secrétaire d’État Marco Rubio et l’envoyé spécial Steve Witkoff ont insisté sur les « avancées » obtenues, tout en reconnaissant de « gros points de désaccord ». Ils ont évoqué d’éventuelles garanties de sécurité pour l’Ukraine mais sont restés flous sur la question territoriale, alors que Trump a relayé sur son réseau des propos alignés sur la rhétorique russe.

🇫🇮 Finlande • Le président finlandais Alexander Stubb participe aux discussions à Washington sur la guerre en Ukraine aux côtés de Volodymyr Zelensky, Donald Trump et des dirigeants européens. Sa présence, malgré le faible poids économique et militaire de la Finlande, s’explique par l’enjeu « existentiel » que représente le conflit pour son pays, frontalier de la Russie sur plus de 1 300 km. Helsinki a d’ailleurs renforcé sa sécurité depuis son adhésion à l’Otan en 2023. Stubb, perçu comme un « pont » avec Trump, entretient une relation personnelle avec l’ex-président américain, nourrie jusque sur les terrains de golf.

🇵🇱 Pologne • Des milliers de jeunes s’engagent dans les “vacances avec l’armée” Environ 10 000 Polonais âgés de 18 à 35 ans suivent cet été une formation militaire intensive de 27 jours, au terme de laquelle ils deviennent réservistes. Lancé en 2024, le programme « Vacances avec l’armée » comprend maniement des armes, tactiques de combat, premiers secours et défense NBC. Cette initiative s’inscrit dans l’effort de Varsovie pour renforcer son armée face à la menace russe et compenser le manque de recrues professionnelles. Chaque participant reçoit 6 000 zlotys (1 400 €), mais près de 20 % abandonnent la formation jugée éprouvante. Le Monde

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