
LA UNE
🇪🇺 Union européenne – 🇺🇸 États-Unis • Deal tarifaire : de l’importance des petites lignes en bas des contrats (quand contrat il y a…)
L’accord commercial entre l’Union européenne et les États-Unis n’est en réalité qu’un accord politique. Derrière les communiqués, les textes précis publiés par chaque camp révèlent une divergence profonde d’interprétation, qui augure de tensions futures.
Pour la Commission européenne, il s’agit d’un « accord politique » temporaire, destiné à rétablir la stabilité des échanges et à éviter l’escalade tarifaire. Bruxelles insiste sur la protection des secteurs sensibles, notamment l’agriculture, et sur la préservation de sa souveraineté réglementaire. Les droits de douane américains, désormais plafonnés à 15 % sur la majorité des produits européens, sont décrits comme une concession obtenue sous pression, qui évite le pire. L’UE affirme également qu’aucune remise en cause de ses normes sanitaires, environnementales ou industrielles n’est tolérée, et que le texte n’est pas juridiquement contraignant.
Côté américain, le ton est tout autre. La Maison Blanche présente le même texte comme un tournant historique. Dans sa fiche officielle sur le site de la Maison blanche, Washington affirme que l’UE « paiera » des droits de douane de 15 %, y compris sur des secteurs stratégiques comme les semi-conducteurs ou les produits pharmaceutiques. L’administration Trump se félicite d’avoir rétabli une relation commerciale « équilibrée » et promet des recettes douanières massives à venir. Elle revendique aussi des engagements européens dans le domaine militaire et numérique, que Bruxelles ne mentionne nulle part. La Commission européenne n’a aucun pouvoir sur les investissements privés des entreprises européennes aux États-Unis, ni sur les dépenses militaires des États membres.
L’exécutif américain insiste surtout sur les bénéfices économiques pour les États-Unis : 750 milliards de dollars d’achats européens en énergie, 600 milliards d’investissements promis par des entreprises de l’UE, et une ouverture accrue du marché agricole européen à des produits américains comme le soja, le ketchup ou les fruits secs. Pour Trump, cet accord valide sa ligne dure et son « America First », en plaçant les intérêts industriels américains au-dessus des compromis multilatéraux.
Emmanuel Macron a publiquement regretté que l’UE ne soit « pas assez crainte » et que l’accord ait été signé sous contrainte, dans un cadre informel et en dehors des usages diplomatiques. À Paris comme à Bruxelles, les critiques fusent sur l’image d’une Europe affaiblie, contrainte d’accepter un compromis défavorable pour éviter le chaos commercial. La France réclame désormais de nouvelles exemptions, notamment pour les vins, spiritueux et produits pharmaceutiques, tandis que les discussions techniques se poursuivent, secteur par secteur.
Pour les Européens, c’est un cessez-le-feu. Pour les Américains, une victoire. Le véritable contenu de l’accord se jouera dans son interprétation — et dans l’application concrète des promesses faites de part et d’autre. Et nous ne sommes pas à l’abri d’un revirement complet de Trump, ce qui ferait redémarrer le processus à zéro.
Opinion • La Commission européenne a cédé sur le niveau des tarifs douaniers, et sur la méthode : l’accord se fait sur un coin de table, à la Trump. Le message géopolitique est désastreux. Mais aucun des engagements extra-tarifaires pris par la Commission ne dépendent d’elle (chaque État membre fera donc bien ce qu’il voudra). Les commentateurs politiques et journalistiques tapent fort sur Ursula von der Leyen ces derniers jours, mais elle a agi en conformité avec son mandat de négociation, et n’a pas cédé sur les lignes rouges que lui avaient donné les gouvernements des 27.
Ce sont donc les responsables politiques nationaux qui sont à blâmer, et d’abord en Allemagne, en Italie, et en Irlande (sur la question les services numériques). Ainsi que les pays du flanc est de l’Europe, terrifiés à l’idée d’un abandon de la protection militaire américaine face à la Russie.
Ils ont préféré un soulagement de court terme pour leurs industries et leurs services plutôt que d’aller au bras de fer et à la confrontation. Les moyens de pressions ne manquaient pas : droits de douane symétriques, droits de douane ciblés sur les productions des États trumpistes, inclusion des services et produits numériques dans la négociation, vente massive de dette publique américaine détenue par les européens, pour faire exploser les taux d’intérêts et déséquilibrer le budget fédéral, etc.
Aucun de ces outils n’a été mobilisé, par peur de représailles sur le champ diplomatique, militaire (abandon de l’Ukraine et du flanc Est), ou économique.
Hier, un article du Financial Times évoquait une note du Pentagone qui prévoit le retrait de 20 000 troupes américaines à l’est de l’Europe en 2026. Certains vont donc avoir les droits de douane, sans les garanties de sécurité, et l’humiliation en prime.
EN BREF
🇫🇷 France – 🇵🇸 Palestine – 🇸🇦 Arabie saoudite • Offensive diplomatique pour un État palestinien
15 pays occidentaux, emmenés par la France, ont lancé à New York un appel collectif en faveur de la reconnaissance d’un État palestinien, dans une initiative conjointe avec l’Arabie saoudite. Parmi les signataires figurent l’Australie, le Canada, l’Espagne, l’Irlande ou encore la Nouvelle-Zélande. 9 d’entre eux n’ont pas encore reconnu la Palestine, mais affirment désormais y être favorables, une évolution notable dans le contexte du conflit meurtrier à Gaza.
Cette déclaration s’inscrit dans une stratégie diplomatique plus large portée par la France. Le président français a pris les devants en annonçant que la France reconnaîtrait la Palestine lors de l’Assemblée générale des Nations unies en septembre. Une initiative initialement moquée par Donald Trump, mais qui semble faire son chemin. Le Premier ministre britannique Keir Starmer a emboîté le pas, menaçant Israël d’une reconnaissance unilatérale si aucune mesure n’est prise en faveur d’un processus de paix.
En parallèle, une « New York Declaration » appelle à une fin de la guerre à Gaza, au désarmement du Hamas, et à la remise de l’administration de l’enclave à l’Autorité palestinienne. Signé par les pays de la Ligue Arabe, l’Union européenne et plus d’une dizaine d’États, ce texte marque un tournant historique : c’est la 1ère fois que la Ligue arabe condamne officiellement les attaques du 7 octobre et demande le désarmement du Hamas.
Mais Israël rejette catégoriquement cette dynamique. Le gouvernement Netanyahou, qui refuse toute idée d’État palestinien et s’oppose au retour de l’Autorité palestinienne à Gaza, dénonce une « pression internationale biaisée ». Washington, quant à lui, a boycotté la conférence, jugeant l’initiative « contre-productive ».
En coulisses, Riyad et Paris espèrent capitaliser sur ce moment pour arracher un engagement plus large à l’ONU en septembre. La reconnaissance occidentale de la Palestine est désormais présentée comme une étape « indispensable » pour sauver la solution à 2 États, plus menacée que jamais. RFI
Opinion • 148 États reconnaissent la Palestine, sur 193 membres de l’ONU. L’essentiel des pays qui ne la reconnaissent pas sont des puissances occidentales. L’enjeu pour Macron et ben Salmane est donc moins dans le nombre de pays à convaincre que dans le symbole et dans la capacité d’entraînement de la France du côté occidental et de l’Arabie Saoudite de l’autre côté. Il s’agit de mettre une pression politique (sur Israël et Netanyahou au premier chef) pour essayer de relancer une dynamique de paix. C’est un pari très risqué, mais vu la situation catastrophique en Palestine, il vaut le coup d’être tenté.
On note que 2 pays importants sont absents des déclarations signées aujourd’hui : le Japon et la Corée du Sud. Macron avait bon espoir de pouvoir les convaincre, mais ils sont proches de Washington pour leur défense (Corée du Sud en particulier), et empêtrés dans des fractures politiques, avec des discussions sur les droits de douane américains qui patinent (Japon). L’Allemagne est absente également, mais elle s’aligne sur Tel Aviv pour des raisons historiques et mémorielles.
🇲🇦 Maroc – 🇩🇿 Algérie • Rabat relance un appel au dialogue sur le Sahara occidental
Le roi Mohammed VI a renouvelé son appel à un « dialogue fraternel et sincère » avec l’Algérie, dans un contexte de tensions persistantes autour du Sahara occidental. À l’occasion de la Fête du Trône, le souverain marocain a prôné une solution « sans vainqueur ni vaincu », se disant prêt à aborder toutes les questions en suspens avec Alger.
Ce discours marque une nouvelle tentative d’apaisement après plusieurs initiatives similaires restées sans réponse, notamment en 2018 et 2021. Depuis la rupture des relations diplomatiques décidée par l’Algérie, les canaux officiels sont gelés. Rabat, de son côté, continue de promouvoir son plan d’autonomie du Sahara occidental, soutenu par les États-Unis, la France et plusieurs autres pays.
Ancienne colonie espagnole, le Sahara occidental est aujourd’hui en grande partie contrôlé par le Maroc, mais reste reconnu comme « territoire non autonome » par l’ONU. Le conflit avec le Front Polisario, soutenu par Alger, dure depuis un demi-siècle. France 24
🇲🇩 Moldavie • Maia Sandu accuse Moscou de sabotage électoral massif
À moins de 2 mois des législatives, la présidente moldave Maia Sandu alerte sur une vaste opération d’ingérence orchestrée par la Russie pour déstabiliser le pays. Selon elle, le Kremlin mobilise cyberattaques, désinformation, achats de votes via cryptomonnaie et financement de manifestations violentes pour faire pencher la balance électorale en sa faveur.
Maia Sandu affirme que 100 millions d’euros seraient alloués à cette campagne subversive, visant à empêcher la constitution d’une majorité pro-européenne. Les 2 principaux groupes d’opposition seraient directement impliqués : le clan de l’oligarque prorusse Ilan Shor et un courant se réclamant du souverainisme mais aligné sur Moscou. Des comptes sociaux automatisés, des campagnes sur Telegram et TikTok, ainsi que des manipulations du vote de la diaspora compléteraient ce dispositif.
Malgré ces manœuvres, le parti de Sandu reste en tête des intentions de vote, mais 30 % des électeurs restent indécis. Un quart seulement croit à la tenue d’un scrutin équitable. Le Monde
Opinion • La Moldavie est une proie facile pour Moscou. Le pays est petit, pauvre, enclavé entre la Roumanie et l’Ukraine, et une partie de son territoire (la Transnistrie, à l’Est) s’autoproclame État indépendant. La Transnistrie n’est pas reconnue par grand monde, mais est sous perfusion énergétique de Moscou, qui y voit un moyen d’affaiblir la Moldavie de plus en plus européenne. Les militaires soviétiques stationnés dans la région ont « oublié » de partir à la chute de l’URSS. La Russie y dispose de troupes, au nombre indéterminé.
La Chine et la Russie mèneront en août un exercice naval conjoint baptisé "Joint Sea 2025" près de Vladivostok, à proximité directe des côtes japonaises. À cela s’ajoutera une patrouille maritime conjointe dans le Pacifique, la 6e du genre selon Pékin.
Si la Chine présente ces manœuvres comme faisant partie d’un calendrier annuel sans lien avec le contexte international, elles interviennent en pleine montée des tensions régionales. Le ministère chinois de la Défense a vivement critiqué les exercices américains en cours dans la région, notamment "Resolute Force Pacific", le plus vaste entraînement de réponse d’urgence jamais conduit par l’US Air Force dans l’Indo-Pacifique.
Tokyo s’inquiète depuis longtemps du rapprochement militaire entre Pékin et Moscou. Un rapport du ministère japonais de la Défense publié début juillet souligne que cette coopération accrue constitue une menace directe pour la sécurité nationale du Japon. L’année dernière, l’exercice avait eu lieu dans le Sud de la mer de Chine, mais le choix cette année d’un site si proche du Japon est vu comme un message politique.
Alors que la guerre en Ukraine entre dans sa 4e année, les liens sino-russes ne cessent de se renforcer, Pékin offrant un soutien économique crucial à Moscou face aux sanctions occidentales. Malgré les appels répétés des Européens, la Chine refuse toujours de faire pression sur la Russie pour un retrait. ABC News
🇺🇸 États-Unis – 🇮🇳 Inde • Trump impose des droits de douane de 25 % à Delhi
Donald Trump n’a pas attendu le 1er août pour lancer ses représailles commerciales contre l’Inde. Dans un message publié aujourd’hui sur Truth Social, le président américain a annoncé l’instauration immédiate de droits de douane « réciproques » de 25 %, assortis d’une pénalité liée à la proximité de l’Inde avec la Russie. Selon lui, New Delhi reste trop dépendante de Moscou pour ses importations d’armement et d’énergie, en dépit de la guerre en Ukraine.
L’annonce met fin à un simulacre de négociations entamé depuis avril, que Washington et Delhi ont chacune présentées comme « constructives », sans jamais aboutir. L’administration Trump reproche à l’Inde ses taxes douanières jugées excessives (18 % en moyenne), qui freinent les exportations américaines, notamment agricoles. Les États-Unis sont pourtant le premier partenaire commercial de l’Inde, qui dégage un excédent de 45 milliards de dollars.
Si l’impact économique promet d’être brutal pour les exportateurs indiens, Delhi reste droite dans ses bottes. Elle refuse de céder sur ses lignes rouges agricoles, dans un pays où 45 % de la population active dépend du secteur. « Éviter un accord déséquilibré, c’est déjà une victoire », assure un expert indien du commerce international. Une délégation américaine est attendue en Inde à la mi-août, mais l’escalade tarifaire semble bien enclenchée. Les Échos
Opinion • Peut être que l’Union Européenne pourrait s’inspirer de la détermination indienne à ne pas se faire humilier ?